Serge Haroche, le nouveau Français prix Nobel de Physique

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Après son compatriote Albert Fert en 2007, c’est au tour de Serge Haroche d’être désigné prix Nobel de physique cette année. L’Académie des Nobel récompense ses travaux sur la physique quantique.

Déjà médaillé d’or du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en 2009, Serge Haroche décroche le titre suprême et rêvé par tout scientifique, avec l’Américain David Wineland. Leurs travaux portaient sur la physique quantique et plus spécifiquement sur les interactions entre la lumière et la matière. Cette science du XXe siècle s’intéresse à la physique des particules d’une taille inférieure à l’atome, très difficiles à isoler.

Les deux scientifiques ont démontré qu’il est possible d’observer des particules individuelles sans les détruire. Ils ouvrent ainsi une nouvelle ère dans la recherche expérimentale en mécanique quantique.

L’observation du quantique

Les phénomènes quantiques rendent en effet la tâche difficile aux scientifiques car ils disparaissent dès que l’on veut les mesurer ou les observer. La théorie prévoit qu’une particule quantique peut être simultanément dans plusieurs états d’énergie superposés. Mais ce phénomène n’existe plus dès que la particule entre en contact avec un instrument.

Pour lutter contre ce problème, Serge Haroche a travaillé sur la réalisation d’un piège à particules de lumière (photons), composée de miroirs ultra-réfléchissants, refroidis à près de -273 °C. Cela permet de conserver un nombre précis de photons et de pouvoir les étudier. Parallèlement, son homologue américain a mis au point des pièges à atomes possédant une charge électrique.

A eux deux, avec leurs équipes du laboratoire Kastler Brossel, du NIST (National Institute of Standards and Technology) et de l’Université du Colorado, le quantique peut être observé. Pour l’Assemblée des Nobel, ces études fournissent des éléments clés pour concevoir un jour un ordinateur puissant basé sur les lois de la physique quantique. « C’est un travail de pionnier mené sur le long terme, alliant compréhension fondamentale et performance expérimentale », commente pour sa part Alain Fuchs, président du CNRS.

Du CNRS au Collège de France

Le résultat de ces études s’ancre parfaitement dans la carrière du Français issu de l’Ecole Nationale Supérieure (ENS). Créée en 1794, l’ENS, qui accueille des étudiants scientifiques ou littéraires, est un établissement d’élite. Grâce à ses 35 laboratoires de recherche, l’ENS est l’un des premiers centres de recherche en France. L’école compte parmi ses anciens élèves 8 prix Nobel (7 en physique dont Albert Fert et 1 en chimie) et 10 médailles Fields (la plus haute distinction en mathématiques) dont les plus récents Cédric Villani et Ngo Bao Chau (2010).

Serge Haroche s’est notamment concentré sur des méthodes expérimentales novatrices, permettant d’isoler, de mesurer et de manipuler des particules quantiques uniques pendant des temps assez longs.

Le Français a débuté ses travaux au CNRS en s’intéressant à l’électrodynamique quantique en cavité. Ce domaine permet via des expérimentations de réaliser des prototypes fondés sur un traitement quantique de l’information. Depuis 2001, l’oncle du chanteur connu Raphaël enseigne comme professeur au Collège de France, dont il est administrateur depuis le 1er septembre 2012. Il est aussi membre de l’Académie des Sciences.

"Serge Haroche a su conjuguer une réflexion théorique puissante et des expériences remarquables dans toutes les institutions françaises et étrangères où il a travaillé, au CNRS, à l’université Pierre et Marie Curie, à l’Ecole Normale Supérieure, à l’Ecole Polytechnique et au Collège de France dont il est depuis quelques mois l’administrateur", a assuré le président de la République François Hollande, félicitant le scientifique.

55 Français récompensés

A 68 ans, Serge Haroche rejoint donc les 12 grands noms des physiciens décorés du prix Nobel en France. En 1903, ce sont Pierre et Marie Curie qui ouvrent le bal des récompensés avec leurs travaux sur la radioactivité. Marie Curie a aussi reçu un deuxième prix mais en chimie pour ses recherches sur le radium.

Depuis 1991, cinq Français ont reçu un prix Nobel de physique : Pierre-Gilles de Gennes en 1991, Georges Charpak en 1992, Claude Cohen-Tannoudji (son directeur de thèse) en 1997 et Albert Fert en 2007. Ils avaient été précédés par Pierre et Marie Curie et Antoine Henri Becquerel en 1903.

Dans les domaines scientifiques les français ont largement brillé avec 34 lauréats. En médecine, l’Académie Nobel a salué les travaux de 13 Français, dont le professeur Jean Dausset (1980), Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier, qui furent honorés en 2008 pour leurs travaux sur le virus du Sida et Jules Hoffmann en 2011 (recherches sur l’immunité innée). Enfin Jean Marie Lehn (1987) et Yves Chauvin (2005) ont été les derniers récipiendaires du prix en chimie.

Serge Haroche et David Wineland recevront leurs prix lors de la cérémonie prévue le 10 décembre, date anniversaire de la mort d’Alfred Nobel, chimiste.

Barbara Leblanc

Dernière modification : 21/09/2015

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