Dérèglement climatique - COP21 - Semaine des ambassadeurs - Discours de Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du développement et de la Francophonie (Paris, 26/08/2015)

Monsieur le Secrétaire général

Monsieur le Ministre, cher Laurent,

Mesdames et Messieurs les Ministres

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, chers Amis

Zéro Carbone, zéro pauvreté. C’est notre mot d’ordre commun pour cette fin d’année 2015, pour ces 4 mois pendant lesquels nous allons poser les bases de la vision du monde que nous voulons pour 2030.

Lier c’est deux objectifs reflète une double exigence :

D’efficacité d’abord, car les deux sont intimement liés.

Le dérèglement climatique est une machine à produire de la pauvreté. Directement, en multipliant les famines et la malnutrition. Indirectement, par les conflits, les déplacements de populations, les inégalités qu’il exacerbe et parfois provoque.

De justice et d’équité ensuite, envers les pays les plus pauvres et les plus vulnérables : ils n’ont pas ou peu contribué aux émissions de gaz à effet de serre mais subissent directement les dérèglements en cours et leurs conséquences funestes.

Plus de la moitié des pays qui seront présents à Paris, qu’ils soient d’Afrique, des îles des 3 bassins maritimes, d’Amérique centrale ou d’Asie, sont confrontés aux sécheresses, aux inondations, aux super typhons.

Les 3 derniers mois ont été particulièrement inquiétants sur ce front : vagues de chaleur en Inde ou au Pakistan, super typhon à Taiwan, sécheresses en Australie et en Californie, impact sur les prix des denrées alimentaires, inondations dans en Amérique latine en raison d’El Niño...

La liste est longue, mais ce n’est hélas que la bande annonce de ce qui nous attend si nous ne faisons rien.

C’est pourquoi nous avons choisi d’écrire une autre histoire.

Cette histoire, elle passe par l’adoption, à New York, des 17 objectifs de développement durable : les ODD. Ces 17 objectifs, ils sont universels, ils s’appliqueront à tous. Ils posent les bases d’un monde plus juste, plus solidaire, et plus durable.

L’enjeu, à travers cette nouvelle génération d’objectifs, c’est donc d’abord de se donner les moyens de démontrer que la lutte contre le dérèglement climatique doit permettre d’atteindre notre objectif commun :

Éradiquer, d’ici 2030, l’extrême pauvreté sur la planète. Personne ne doit avoir à choisir entre la protection du climat et la lutte contre la pauvreté. La bonne nouvelle, notamment grâce à l’engagement du Secrétaire général des Nations unies, c’est que plus personne ne conteste la pertinence de cette approche.

Mais notre ambition va au-delà : faire reculer la pauvreté sous toutes ses formes et de manière soutenable pour la planète. C’est-à-dire répondre, aux besoins de tous, qu’il s’agisse d’accès aux soins, à l’énergie, à l’éducation, à l’alimentation.

Notre ambition, c’est aussi de mettre fin aux discriminations de genres, et de combattre les inégalités.

Notre ambition enfin, c’est de faire en sorte que notre planète soit en bien meilleure santé, parce que cela conditionne la qualité de vie de nos concitoyens.

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Avec le succès de la conférence d’Addis-Abeba, nous avons posé des bases nouvelles pour assurer le financement du développement durable.

À Addis-Abeba, nous avons d’abord renouvelé notre engagement à être solidaire des plus pauvres et des plus vulnérables.

La France est le 4ème donateur mondial d’APD, et elle s’est ré-engagée, comme ses partenaires européens, à parvenir à consacrer 0,7% de son PNB à l’aide publique au développement, avec un objectif de 0,2% pour les PMA.

Cette solidarité, elle prend aussi tout son sens sur le climat, puisque la France est un financeur majeur de la lutte contre le dérèglement climatique. Chaque année, nous consacrons plus de 3 milliards d’euros au climat, sur le plan bilatéral et multilatéral.

À Addis-Abeba, nous avons aussi décidé de mieux associer le secteur privé au financement du développement. Au sein des entreprises, de nombreuses initiatives, dans le domaine de l’économie sociale et solidaire, de l’entreprenariat social, ou de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) témoignent que les clichés de l’opposition entre recherche de profits et lutte contre la pauvreté peuvent être dépassés.

Dans les territoires, les élus locaux sont en première ligne pour créer de l’emploi, préserver les ressources naturelles et créer les premières réponses aux besoins de base, qu’il s’agisse de santé ou d’éducation par exemple.

C’est tout le sens du rapprochement annoncé hier par le président de la République, entre l’Agence française de développement et la Caisse des dépôts et consignations : l’AFD est aujourd’hui le fer de lance de notre politique de développement. Elle est à l’avant-garde des débats et de l’action sur le financement du développement durable.

Mais il faut aujourd’hui, sans diluer son identité, à laquelle nous sommes tous attachés, lui donner des moyens nouveaux pour peser de tout son poids dans ce nouveau cadre que seront les ODD :

- nouvelles missions, puisque nous allons lui confier un mandat dans le champ de la gouvernance, qui lui permettra d’intervenir dans quasiment tous les secteurs du nouveau cadre ;

- nouveaux moyens financiers, en l’adossant au grand acteur du financement de l’économie française qu’est la CDC.

Nous sommes donc en passe de réussir une mobilisation générale autour de notre objectif « zéro carbone, zéro pauvreté ».

Mais il est grand temps de passer aux travaux pratiques.

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Car le zéro carbone zéro pauvreté ne se décrète pas. Nous ne réussirons pas la COP21, ni la mise en oeuvre des ODD, qu’avec des slogans. C’est d’ailleurs ce que nous rappellent, courtoisement pour l’instant, nos partenaires du Sud. Cela peut même devenir un point majeur de crispation si nous n’allions pas la parole aux actes.

Paris Climat 2015 doit donc aussi être l’occasion de démontrer notre engagement sur des projets concrets, qui répondent aux attentes des pays pauvres et vulnérables. Ces attentes sont simples, et comportent deux volets.

Le premier, c’est l’accompagnement des pays du Sud dans la maîtrise de leurs émissions de gaz à effet de serre.

De nombreux pays du Sud nous disent, comme le Maroc, chère Hakima : « voilà ce que nous pouvons faire, seuls ». Mais ils nous disent aussi : « avec votre soutien, nous pouvons faire plus ».

L’Union africaine, lors de son sommet de Juin, a demandé le soutien au développement des énergies propres sur le continent.

Nous nous sommes engagés, au G7, avec le soutien de l’Allemagne, à encourager ces énergies en Afrique. Car pour de nombreux pays africains, les énergies renouvelables c’est une priorité économique et sociale, pour l’emploi et la croissance, mais aussi pour la santé.

L’Égypte, et je salue ici son ministre Khaled Fahmy, qui préside le groupe Afrique, a pris l’initiative de réunir et de mobiliser tous les partenaires indispensable au succès de ce projet. Nous avons là une occasion unique de démontrer notre mobilisation.

Cet exemple illustre la convergence entre les ODD et la COP21 : l’objectif n°7 des ODD prévoit d’assurer pour tous un accès abordable à l’énergie durable d’ici à 2030.

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Le deuxième volet, c’est l’adaptation aux dérèglements climatiques. Le changement climatique tue déjà, à l’occasion des évènements climatiques extrêmes, mais aussi par son impact sur les récoltes ou sur l’extension de certaines maladies tropicales.

Paris Climat 2015 doit changer la donne dans l’appui aux victimes du dérèglement climatique. Ces victimes, nous les avons rencontrés avec le président de la République, aux Philippines.

Je les ai croisées au Sahel, en Afrique de l’Est, en Amérique centrale, dans les petits États insulaires. Ces victimes, elles déplacent leurs villages plus haut sur les collines, elles reconstruisent leurs maisons et leurs bateaux après un typhon. Elles tentent de nouvelles méthodes agricoles pour faire face aux sécheresses.

Là encore, les ODD sont précieux, car ils intègrent au développement, chaque fois que c’est nécessaire la résilience, l’adaptation. Sur ce point, la France est fière de montrer la voie, puisqu’elle a, dès le sommet de l’Élysée en 2013, choisie d’intégrer la résilience dans tous les projets d’infrastructures qu’elle finance en Afrique. Depuis, les États Unis ont choisi la même stratégie et nous avons pu constater à Addis-Abeba que cette idée était désormais partagée par tous.

Mais l’adaptation ne s’arrête pas là. Il y a bien entendu l’épineuse question des pertes et dommages, importantes notamment pour les petits États insulaires en développement, cher Monsieur Thoriq Ibrahim, des Maldives.

Et il y a tout ce que nous pourrons faire pour la prévention des catastrophes naturelles liées au climat.

Lors de la conférence de Sendaï, la France a proposé de mobiliser la communauté internationale pour accompagner les pays les plus vulnérables dans le développement de systèmes d’alertes face aux évènements climatiques extrêmes.

Les pays les moins avancés et les petits États insulaires ne disposent souvent pas aujourd’hui de systèmes d’alerte performants. Plus de 80% des PMA ont un système d’alerte élémentaire. Pour 15 pays, il n’existe tout simplement pas.

C’est pour la France un enjeu de responsabilité, que de partager nos savoirs faires et nos compétences au service des pays les plus exposés au dérèglement climatique.

Or, on le sait aujourd’hui, les systèmes d’alerte permettent de sauver des vies et de réduire considérablement le coût économique des catastrophes.

C’est pourquoi la France, en coordination étroite avec la Norvège, les agences de l’ONU et la Banque mondiale, a lancé une coalition, appelée CREWS - CROUSE - en anglais. Son objectif est simple : renforcer et amplifier l’action de la communauté internationale en appui des systèmes d’alertes dans les pays vulnérables, et parvenir à une couverture globale des populations exposées aux évènements climatiques extrêmes d’ici 2020.

Le G7 a insisté sur cette initiative et sur le renforcement des systèmes d’assurance face aux risques climatiques dans les pays les plus pauvres. Notre défi, c’est de mobiliser 100 millions d’euros d’ici 2020 pour équiper chaque pays qui en a besoin d’un système d’alertes performant.

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Monsieur le Secrétaire général

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

La route est encore longue pour réussir à limiter le réchauffement de deçà des 2°C, et pour concrétiser dans l’action notre ambition commune. Parce que nous sommes face à un grand rendez-vous de la solidarité climatique, votre tâche est plus que jamais essentielle. Car c’est à vous qu’il revient, dans le dialogue avec vos pays de résidence, de construire, de consolider l’Alliance de Paris sur le climat.

La France, dans cette négociations, c’est un médiateur, c’est ça que veut dire le rôle de présidence. Pour rapprocher les lignes, pour construire de la confiance, pour consolider les positions, nous avons besoin de votre mobilisation totale. Je compte sur vous en particulier pour faire vivre, dans vos pays, les initiatives sur les énergies renouvelables et sur les systèmes d’alertes.

Ces initiatives, ce sont la garantie que Paris ne sera pas qu’un texte, mais bien un changement d’échelle dans notre action commune face au changement climatique.

Nous vivons une période charnière pour le développement et la solidarité internationale. Les ODD et l’Alliance de Paris pour le Climat vont guider notre action au côté des pays les plus pauvres et les plus vulnérables pour les 15 ans à venir, et dessiner le monde de demain, en mettant la planète à l’abri du chaos climatique. La réussite de ces deux grands moments, qui sont les mêmes faces d’une seule pièce est un gage de paix et de sécurité, mais aussi de justice et de solidarité.

Je vous remercie./.

Dernière modification : 22/09/2015

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